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Violences à Beyrouth : Le bilan s’alourdit

Des tirs d'origine inconnue ont visé jeudi à Beyrouth une manifestation organisée par le Hezbollah contre le juge chargé de l'enquête sur l'explosion au port, déclenchant des violences qui ont fait six morts dans un  secteur transformé en zone de guerre.

Les chars de l'armée se sont déployés dans le secteur, en bouclant les accès au secteur de Tayouné, où les échanges de tirs nourris aux mitrailleuses et roquettes RPG ont duré plusieurs heures.

Ces violences surviennent après des semaines de très fortes tensions en relation avec le juge Tareq Bitar, en charge de l'enquête sur l'explosion au port de Beyrouth le 4 août 2020, qui a fait plus de 200 morts. Un drame dans lequel plusieurs responsables ont été accusés.

L'armée a indiqué que les manifestants avaient été la cible de tirs dans le quartier de Tayouné alors qu'il étaient en route pour protester devant le Palais de justice, tout proche. Et le ministre de l'Intérieur Bassam Mawlawi a affirmé que "des francs-tireurs" étaient à l'origine des coups de feu.

Selon des correspondants de l'AFP sur place, des snipers embusqués sur les toits d'immeubles voisins au Palais de justice ont tiré sur des manifestants. Des hommes armés portant des brassards des mouvements musulmans chiites Amal et Hezbollah, présents sur les lieux, ont riposté aux tirs.

Les échanges de tirs nourris aux mitrailleuses et roquettes RPG ont résonné ensuite dans le quartier résidentiel de Tayouné, qui s'est aussitôt transformé en zone de guerre. Certains des hommes armés ont pris position sur les toits des immeubles.

Un corps gisant dans la rue a été évacué par des secouristes au milieu d'une pluie de balles, a constaté un correspondant de l'AFP.

- "Peur" -

Des habitants du quartier se sont terrés dans leurs appartements et d'autres, affolés, dont des enfants et des vieillards, ont été évacués des immeubles.  

Sur les réseaux sociaux, des images ont montré des écoliers d'un établissement du secteur se cachant sous leurs bureaux ou rassemblés par terre devant les salles de classe.

"Je me suis cachée avec mon cousin et ma tante  entre les chambres, parce que nous avons peur des balles perdues", a déclaré à l'AFP Bissan al Fakih, une habitante.

M. Mawlawi a fait état de six morts. Parmi eux, un homme tué par une balle à la tête, un autre atteint à la poitrine et une femme de 24 ans mortellement touchée par une balle perdue alors qu'elle se trouvait chez elle, selon des sources médicales.

D'après la Croix-Rouge libanaise, 30 personnes ont été blessées.

Le Premier ministre Najib Mikati a appelé au calme.

Le puissant mouvement armé Hezbollah et le parti Amal, son allié, avaient appelé à la manifestation pour exiger le remplacement du juge Tareq Bitar, qui est déterminé à interroger de hauts responsables dont deux ex-ministres d'Amal.

Dans un communiqué conjoint, les deux mouvements ont accusé "des groupes du (parti chrétien) des Forces Libanaises déployées dans les quartiers et les toits environnants" d'avoir tiré sur les manifestants. Les Forces Libanaises ont démenti.

Les manifestants ont brûlé des portraits du juge Bitar mais également de l'ambassadrice des Etats-Unis au Liban Dorothy Shea. Le magistrat est accusé de collusion avec les Occidentaux dans l'enquête.

Acteur incontournable de la scène politique libanaise, le Hezbollah est considéré comme un "groupe terroriste" par les Etats-Unis.

- "Déstabilisation" -

La manifestation s'est produite juste après que la Cour de cassation a rejeté des plaintes d'anciens ministres à l’encontre de M. Bitar, lui permettant de reprendre ses investigations.

Les responsables politiques refusent d'être interrogés par le juge même si les autorités ont imputé le drame au stockage sans mesures de précaution d'énormes quantités de nitrate d'ammonium.

"Le fait que le Hezbollah descende dans la rue et jette tout son poids dans cette bataille (...) pourrait mener à d'importants affrontements et à la déstabilisation du pays tout entier", a déclaré à l'AFP l'analyste politique Karim Bitar.

Lors d'une réunion houleuse du gouvernement de Najib Mikati mercredi, les ministres du Hezbollah et d'Amal ont demandé l'exclusion du juge, ce à quoi ce sont opposés d'autres ministres.

La France a appelé à "l'apaisement", et réitéré la nécessité pour la justice libanaise de "pouvoir travailler de manière indépendante et impartiale".

Ces violences viennent s'ajouter aux multiples graves crises politique, économique et sociale dans lesquelles est plongé le Liban, où la classe politique inchangée depuis des décennies est accusée aussi de corruption, d'incompétence et d'inertie.

(AFP)

 

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